Scarifications, brûlures, coupures… Pourquoi certaines personnes se font du mal physiquement quand elles souffrent mentalement ? Une personne qui s’automutile est-elle suicidaire ? L’automutilation concerne jusqu’à 4% de la population, en particulier les jeunes.

Qu’est-ce que l’automutilation ?
L’automutilation se caractérise par des blessures physiques et directes qu’une personne s’inflige à elle-même. Ces blessures peuvent être plus ou moins sévères.
Les personnes concernées peuvent percevoir l’automutilation comme une forme d’exutoire. Elles y voient un moyen de soulager leur trop grande souffrance émotionnelle. Les automutilations sont donc souvent vécues comme une forme de régulation de la détresse émotionnelle, aux yeux de la personne qui les pratique.
Les automutilations peuvent également éviter le passage à l’acte dans de nombreux cas. On parle alors d’« automutilation non-suicidaire ». Ce terme correspond à une situation dans laquelle l’objectif de l’automutilation n’est pas d’entrainer le décès.
Néanmoins, il est souvent très difficile de distinguer le caractère non-suicidaire de l’automutilation de la tentative de suicide avérée.
De nombreux facteurs sont à prendre en compte pour déterminer si des autoagressions (autre appellation pour les automutilations) traduisent une réelle intention de mettre fin à ses jours. Pour savoir si une personne à des pensées suicidaires, n’hésitez pas à lui poser la question directement.
Qui est le plus souvent concerné par les automutilations ?
Les automutilations concernent entre 1% et 4% de la population. Ce comportement auto-agressif débute le plus souvent à l’adolescence, dès le collège, mais peut se poursuivre à l’âge adulte.
On estime en effet que la scarification ou autre comportement autopunitif pourrait concerner de 12% à 35% des jeunes.

« Les automutilations apparaissent autour de 13 ou 14 ans, avec un pic autour de 18 ans. (..) Globalement, les automutilations sont observées dans la période entre 13 et 25 ans. (…) beaucoup d’adolescents en font l’expérience. »
Pr Mario Speranza
Pédopsychiatre, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
En 2024, on observe une « augmentation notable des gestes et lésions auto-infligées chez les filles et les jeunes femmes ».1
Par ailleurs, on estime que les personnes qui pratiquent l’automutilation ont 5 fois plus de risques d’être concernées par un trouble dépressif.
Les différents types d’automutilation
Il existe de nombreux moyens de s’infliger volontairement une blessure au corps :
- Scarifications et incisions (avec une lame de rasoir, un compas, les ongles…)
- Égratignures
- Coups sur une surface dure donnés intentionnellement
- Coups de poing et les claques auto infligés
- Morsures
- Brûlures (cigarette, etc.)
- Se tirer les cheveux
- Se gratter des plaies ou se tirer des peaux
- …
Les personnes concernées par ce trouble de santé mentale, pratiquent les automutilations sur une ou plusieurs zones du corps : les bras, les poignets, le cou, la cuisse ou la jambe, la main, etc.
« Il m’a tout de suite montré ses bras, jusqu’aux épaules. Les deux côtés étaient scarifiés de façon très, très importante. (…) Il avait trouvé une lame de rasoir dans la salle de bain de chez ses parents et l’avait laissée dans sa chambre. Chaque soir, il éprouvait le besoin de se scarifier. »
Christelle
Secouriste en santé mentale
Extrait du podcast Apprendre à aider – Aider un ado
Selon le type d’automutilation et la zone du corps mutilée, il est parfois difficile de se rendre compte qu’un proche (ami, famille, collègue, voisin, etc.) s’auto inflige des blessures. Il arrive que les personnes concernées aient honte de leurs cicatrices et réussissent à les cacher.
Des crises de 15min
Tout comme d’autres troubles de la santé mentale, les automutilations non-suicidaires peuvent se traduire par des épisodes de crise. Des moments de mal-être intense dans lesquels la personne concernée ressent un besoin extrêmement fort de s’automutiler.
« Quand l’émotion commence à monter et que l’envie de se faire du mal apparaît (cela) dure souvent 10 à 15 minutes. C’est ce qu’on appelle la règle des 15 minutes. Il faut essayer de trouver des stratégies pour passer cette période aiguë. »
Pr Mario Speranza
Pédopsychiatre, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
Lors de ces épisodes de crise, il est possible d’aider la personne concernée en l’incitant à se focaliser sur autre chose, à s’apaiser. La formation des Premiers secours en santé mentale donne notamment des clés pour agir dans ce genre de situation.
Quand s’inquiéter ?
Tous les comportements d’automutilation doivent être pris au sérieux, peu importe la gravité des blessures ou l’intention qu’il y a derrière.
Même si l’automutilation est avérée sans volonté de se suicider et n’est à l’origine ni de plaies profondes ni de saignements abondants, il faut prendre en compte les actes d’autoagressions et agir pour aider la personne concernée.

Addiction et automutilation : c’est possible
L’automutilation peut indiquer plusieurs choses. Une personne qui se blesse volontairement peut présenter un risque de suicide. D’autres ont des habitudes d’automutilation sur plusieurs semaines, mois ou années et ne sont pas nécessairement suicidaires.
« Il m’arrive d’être en crise et de négocier avec ma mère, de lui dire laisse-moi me scarifier, je ne vais pas y aller fort (…). On ne guérit pas comme ça des automutilations, c’est comme une addiction. »
Sarah
Personne concernée ayant reçu l’aide d’une secouriste PSSM
Dans le cas d’une répétition de l’acte d’automutilation, la fréquence de ces répétitions peut être de plus en plus importante jusqu’à devenir une sorte d’addiction. C’est-à-dire qu’automatiquement la réponse à un fort stress émotionnelle sera l’automutilation.
Il s’agira en quelque sorte d’une « stratégie d’évitement » de la douleur psychique. Comme le souligne le professeur Speranza « il existe un paradoxe : le geste qui produit de la douleur physique a un effet apaisant sur la douleur émotionnelle. Et si ça marche, on a tendance, dans les mêmes situations, à reproduire le même comportement qui peut devenir addictif ».2
Comment aider une personne qui s’automutile ?
Face à une personne qui s’automutile il y a des moyens d’agir. Vous trouverez ci-dessous des conseils et ressources pour vous aider à accompagner un proche en souffrance.
Ce qu’il faut éviter
- Minimiser les sentiments ou les problèmes de la personne qui s’automutile
- Utiliser des formules qui indiquent que vous ne prenez pas sa souffrance au sérieux (exemple : « pourtant ta vie est fantastique » ou « ce n’est pas si grave »)
- Essayer de régler vous-même les problèmes de la personne sans une aide professionnelle
- Toucher la personne sans son autorisation (lui faire un câlin ou lui prendre la main par exemple)
- Utiliser les termes « automutilateur/automutilatrice » pour parler de la personne.
- Accuser la personne de chercher de l’attention
- Faire culpabiliser la personne à propos de l’effet des automutilations sur d’autres personnes, notamment son entourage proche
- Mettre en place des objectifs ou des pactes « Je te féliciterai si tu promets de ne pas te blesser pendant une semaine », sauf si la personne vous le demande
- Essayer d’empêcher la personne de s’automutiler (en retirant les ustensiles utilisés par exemple) ou en lui donnant des ultimatums (exemple : « si tu n’arrêtes pas de t’automutiler, tu devras déménager »)
- Proposer des drogues, des médicaments ou de l’alcool à la personne
Les ressources disponibles
Lorsqu’un proche souffre d’un trouble de santé mentale il est courant et tout à fait compréhensible de se sentir démuni. Découvrez ci-dessous des ressources pour vous guider dans l’accompagnement d’une personne qui s’automutile et l’aider à trouver une prise en charge professionnelle adaptée.
- Le carnet du secouriste en santé mentale : les automutilations non-suicidaire
- La fiche « trouver des alternatives aux automutilations »
- La ligne d’écoute gratuite et anonyme de la Croix-Rouge : 0800 858 858
- La formation pour devenir secouriste en santé mentale en 2 jours
- Le podcast apprendre à aider : les automutilations non-suicidaires
- L’émission « Tribu » consacrée à l’automutilation
Pour aller plus loin :
Comment aider mon ado qui va mal ?
Comment savoir si une personne à des idées suicidaires ?
Apprendre à aider : le trouble dépressif