La santé mentale, une affaire de femmes ?

Charge mentale, évolutions des modes de vie, changements hormonaux… Beaucoup de personnes pensent que la santé mentale est un sujet qui se conjugue au féminin, tant sur le développement de troubles psychiques que sur la capacité à aider une personne en souffrance. Qu’en est-il vraiment ?

Les femmes sont-elles plus concernées par les troubles de santé mentale ?

Certaines idées reçues portent à croire que les femmes seraient davantage touchées par les troubles de santé mentale.

Dans les représentations collectives, les femmes ont tendance à être perçues comme étant plus « sensibles » et plus « fragiles » sur le plan émotionnel et psychique. Or, aucune preuve scientifique robuste ne vient étayer cela. En d’autres termes, il s’agit d’une représentation stéréotypée.


« Tout le monde a une santé mentale. C’est un continuum qui va des personnes qui n’ont pas de troubles aux personnes concernées par un trouble. La dépression ou la schizophrénie par exemple »

Jean-Victor Blanc
Psychiatre, auteur, conférencier et créateur du festival Pop&psy

La santé mentale évolue tout comme la santé physique

Nous disposons toutes et tous d’une santé mentale qui évolue au fil de la vie. Au même titre que la santé physique. Nous vivons et expérimentons des « hauts et des bas ».

En santé mentale, les « bas » se traduisent par des moments de vie difficiles ou des problèmes à gérer. Par exemple :

  • Une rupture
  • Un deuil
  • Un licenciement
  • Des dettes
  • L’annonce d’une maladie grave

Lorsqu’une personne, homme ou femme, doit faire face ce type d’événement, il est alors plus vulnérable psychiquement.

L’accumulation de problèmes ou d’événements difficiles augmente le risque de développement d’un trouble de santé mentale dont les manifestations sont diverses :

  • Addiction
  • Anxiété
  • Troubles des conduites alimentaires
  • Automutilations

La santé mentale se construit dès la naissance

Certains facteurs favorisent le développement de troubles psychiques. Nous ne sommes pas tous égaux en ce qui concerne la santé mentale.

Les inégalités observées ne reposent pas sur le genre mais plutôt sur la construction de notre santé mentale depuis la naissance en lien avec l’environnement, au sens large, dans lequel nous évoluons.

Ainsi, les expériences vécues influencent grandement la santé mentale d’une personne, cela aussi bien pour les femmes que pour les hommes.


« On peut prendre l’image d’un vase qui se remplit pour illustrer notre santé mentale. On ne nait pas tous avec la même taille de vase. Il y a des gens qui ont des gros vases, qui peuvent contenir beaucoup, puis il y a des gens avec de plus petits vases. Ce vase, on peut le façonner. L’agrandir ou au contraire le rapetisser. Ce qui peut réduire un vase, ce sont des événements de vie précoces, comme les violences faites aux enfants. […] Avec un vase plus petit les événements vécus par la suite auront plus vite un impact sur le développement de troubles psychiques »

Dr Christophe Debien
Psychiatre au CHU de Lille

Extrait du podcast Apprendre à aider, les pensées suicidaires


La santé mentale résulte en effet d’interactions complexes entre des facteurs individuels et collectifs qui façonnent notre état psychologique et plus largement notre bien-être. Cet état évolue tout au long de la vie.

On parle plus spécifiquement des déterminants de la santé mentale, qui comprennent des facteurs individuels (biologiques/génétiques, psychologiques et liés au parcours de vie), mais aussi sociaux/sociétaux, culturels, économiques, politiques et environnementaux.

Les inégalités en matière de santé mentale

Quand on sait que l’apparition d’un trouble stress post traumatique (TSPT), est particulièrement élevée après des violences sexuelles et que « pour 1 femme sur 6, l’entrée dans la sexualité se fait par un rapport non consenti et désiré », on comprend pourquoi l’organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les TSPT touchent davantage les femmes que les hommes.123

D’autres troubles de la santé mentale sont davantage repérés chez les femmes. Cela peut s’expliquer en partie car elles consultent davantage de médecins ou plus généralement de spécialistes que les hommes.

L’OMS souligne notamment que :

  • Les troubles anxieux touchent davantage les femmes que les hommes4
  • Le trouble bipolaire serait plus souvent diagnostiqué chez les femmes, bien que sa prévalence se rapproche beaucoup de celle des hommes5
  • La dépression est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes avec 5,1% de cas contre 3,6 %6

L’évolution des modes de vie impacte la santé mentale des femmes

Les évolutions de la société en matière de droit des femmes des dernières décennies ont eu de nombreux effets positifs sur la vie des femmes. Dans le même temps, comme dans tout processus de changement, on observe des effets de bord.

Addiction à l’alcool

La consommation d’alcool est le plus marquant de ces effets de bord, allant de la banalisation de l’alcoolisme mondain à l’augmentation de pratiques addictives ayant pour objectif l’atteinte rapide de l’état d’ivresse.


“Les femmes à 20 ans, à 40 ans, revendiquent de boire comme le font les hommes”

Nathalie Latour
Ex déléguée générale de Fédération addiction


Si la proportion de femmes aux habitudes de consommation d’alcool « en pique » à nettement augmenté et fait l’objet d’un point d’alerte, « le problème des alcoolisations ponctuelles importantes reste toujours plus répandu chez les hommes », nuance Viêt Nguyen-Thanh, responsable de l’unité Addictions chez Santé Publique France et co-autrice d’un étude sur le sujet, paru en 2021.7

Equilibre vie professionnelle et personnelle

Le baromètre Santé mentale et QVCT réalisé par Ipsos révèle qu’en entreprise « les femmes sont sensiblement plus concernées par les difficultés en termes de santé mentale que les hommes ».8

Cela peut en partie s’expliquer à travers une charge mentale plus lourde que les hommes ainsi qu’une « plus grande exposition à la précarité ». Il est néanmoins important de préciser que selon ce baromètre 1 salarié sur 4 se déclare en mauvaise santé mentale, hommes y compris.


L’adolescence, une période charnière

Les changements hormonaux qui surviennent à l’adolescence notamment, chez les jeunes femmes, peuvent avoir un impact sur leur humeur et leurs émotions.

Ainsi les adolescentes présentent plus de risques de développer :

  • De troubles anxieux
  • Une dépression
  • Des troubles des comportements alimentaires (TCA)

Comportements alimentaires

En effet, le rapport au corps peut être difficile à gérer lors de cette période et peut conduire à transformer les habitudes alimentaires : boulimie, anorexie, hyperphagie, etc.

Les consultations et hospitalisations liées à des TCA sont plus fréquentes dans les populations féminines. Toutefois on observe également ces troubles chez les garçons.9


1 personne sur 10 soignée pour anorexie mentale est un garçon et 1 personne sur sept soignée pour boulimie est un garçon »

Nathalie Godart
Pédopsychiatre spécialiste des troubles des conduites alimentaires à la FSEF et professeure à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines


Comportements suicidaires et automutilations non-suicidaires

Le dernier rapport de l’Observatoire national du suicide, paru en février 2025, révèle que le nombre d’hospitalisations pour gestes auto-infligés (GAS) a augmenté de 46% chez les adolescentes et les femmes de moins de 25 ans depuis 2017.10 Par, « gestes auto-infligés », on entend automutilations non-suicidaires et tentatives de suicides.

Toujours selon ce rapport, cette hausse s’est accélérée à partir de la crise du covid-19 en 2021 et persiste depuis. A noter tout de même que dans le même temps, les hospitalisations pour GAS ont nettement reculé chez les femmes de 30 à 69 ans et ont augmenté chez les hommes de plus de 85 ans.

Pour aller plus loin :

Qu’est-ce que le secourisme en santé mentale ?

Comment réduire sa consommation d’alcool ?

Les troubles de santé mentale les plus fréquents

Top 8 des podcasts en santé mentale

Dossier spécial santé mentale des jeunes


  1. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/20008198.2017.1353383 ↩︎
  2. https://www.noustoutes.org/ressources/Dossier_complet_JaiPasDitOui.01.pdf ↩︎
  3. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/post-traumatic-stress-disorder ↩︎
  4. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/anxiety-disorders ↩︎
  5. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/bipolar-disorder ↩︎
  6. Depression and Other Common Mental Disorders: Global Health Estimates. Geneva: World Health Organization; 2017. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO. (available at http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/254610/WHO-MSD-MER-2017.2-eng.pdf;jsessionid=3E2AA3E2B47C87887BFD621D03ECD85C?sequence=1 ) ↩︎
  7. Alcohol consumption: estimating the proportion of adults who exceed the low-risk drinking guidelines using the 2021 Santé publique France Health Barometer ↩︎
  8. https://www.ipsos.com/fr-fr/travail-les-salaries-francais-face-une-sante-mentale-degradee ↩︎
  9. https://www.pssmfrance.fr/apprendre-a-aider-troubles-alimentaires-episode-6/ ↩︎
  10. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/rapports/suicide-mal-etre-croissant-des-jeunes-femmes-et-fin-de ↩︎