Apprendre à aider
les troubles psychotiques
« Il avait arrêté ses médicaments parce-qu’il pensait que c’était du poison […] il avait un plan suicidaire pour dans 4 jours ». Cet épisode permet de mieux comprendre les troubles psychotiques et comment aider une personne concernée.

Dans cet épisode, découvrez le témoignage d’Hana, secouriste en santé mentale depuis 2020, qui revient sur l’accompagnement qu’elle a proposé à un jeune homme. Hana est membre de La maison perchée une association non médicalisée basée sur la pair-aidance et spécialisée pour les jeunes adultes vivant avec un trouble psychique.
Vous entendrez également les explications du Professeur Nicolas Franck, chef du pôle centre rive gauche de psychiatrie d’adultes au Vinatier et responsable de l’enseignement des futurs psychiatres à l’université de Lyon.
Durée : 27 min
Les troubles psychotiques, pour aller plus loin
- Le carnet du secouriste en santé mentale Mieux comprendre les troubles psychotiques
- Le site de l’Unafam, l’union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques
- Le podcast Dans les yeux d’Olivier dans lequel Olivier Delacroix part, entre autres, à la rencontre de Marion qui est diagnostiquée bipolaire et de Youri, schizophrène, pour mieux comprendre ces maladies invisibles et leur impact sur la vie de tous les jours.
Retranscription de l’épisode
C’est l’histoire de Julie qui a fait une tentative de suicide, de Pierre qui boit trop. C’est aussi l’histoire de Nathalie qui rêve chaque nuit de son accident de voiture. Vous aussi vous connaissez peut-être quelqu’un qui est concerné par un problème de santé mentale. Chez PSSM, Premiers secours en santé mentale, nous sommes convaincus qu’engager une conversation peut tout changer.
Je m’appelle Oriana et je vous souhaite la bienvenue dans cette discussion où se mêlent témoignages, histoires de vie et conseils pour tous ensemble briser les tabous autour des troubles psychiques. Vous écoutez Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale.
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Introduction
Le trouble psychotique est un état psychique qui se caractérise par une altération du rapport à la réalité, se traduisant le plus souvent par une désorganisation de la pensée et du discours, ainsi qu’une dérégulation de la perception, des émotions, de la motivation ou encore du comportement. De fait, la vie quotidienne des personnes concernées, de même que celle de leur entourage immédiat, s’en trouve perturbée dans les activités personnelles et professionnelles, ainsi que dans les relations aux autres.
Différents troubles psychiques peuvent ainsi être à l’origine d’épisodes et de symptômes psychotiques. Les plus fréquents sont le trouble bipolaire ou psychose maniaco-dépressive, la schizophrénie, le trouble schizo-affectif ou encore le trouble psychotique induit par la consommation d’une substance.
Ces troubles sont susceptibles d’apparaître vers la fin de l’adolescence et affectent autant les hommes que les femmes. Ils toucheraient environ 1,2% de la population et on estime actuellement qu’environ 3 personnes sur 100 connaîtront au moins un épisode psychotique au cours de leur vie. Il existe par ailleurs des interventions médicamenteuses et non médicamenteuses efficaces pour la prise en charge de ces troubles, avec un rétablissement possible chez les personnes concernées, d’où l’importance d’une intervention la plus précoce possible. L’éducation thérapeutique a également un rôle primordial et peut être très utile à la personne et à ses proches.
La formation PSSM donne des clés de compréhension concernant ces troubles psychotiques et sur la façon d’agir face à une personne hors crise ou en état de crise psychotique. Il s’agit d’apprendre à repérer les signes d’alerte et à décliner un plan d’action approprié afin d’apporter une aide adéquate à la personne concernée, puis de l’accompagner vers le soin ou les ressources adaptées à ses besoins.
Entretien avec Hana, secouristes en santé mentale
Bonjour Hana
Bonjour
Vous êtes secouriste depuis 4 ans, merci de nous avoir ouvert les portes de la Maison Perchée pour enregistrer cet épisode sur les troubles psychotiques. D’ailleurs la Maison Perchée c’est une association de communautés d’entraide de jeunes adultes vivant avec des troubles psychotiques. Pouvez-vous nous raconter le secours ou l’accompagnement que vous avez pu apporter dans le cadre de votre formation PSSM ?
Alors on a un format à la Maison Perchée qui s’appelle des NIS. Donc des NIS c’est des échanges ponctuels en individuel qu’on propose aux personnes qui veulent échanger une fois avec un pair-aidant. Et je me rappelle d’un qui m’a particulièrement marquée. Donc en fait, c’est un format qui se fait par visio. Mais là, c’était avec quelqu’un qui était en crise psychotique, plutôt sur un versant schizophrénie et qui ne voulait même pas faire de la visio. Donc on s’est appelé. Ça a été un échange très marquant parce que très compliqué. Et je pense que… AERRER© m’a beaucoup aidée, m’a beaucoup guidée pour savoir comment me repérer dans cet accompagnement.
Dans quel sens votre échange a été compliqué ?
Il a été compliqué parce que déjà le côté, le versant un peu persécution, indiquait une situation de crise. Et le versant un peu persécution faisait que c’était extrêmement difficile de créer une alliance en fait. Ce que j’ai essayé de faire c’est de poser un petit peu le cadre spatio-temporel, de dire… On se voit pas mais au moins tu te mets dans un espace, on va prendre maximum une heure et voilà, essaye de te mettre dans un endroit confortable où t’es isolé, où tu peux parler, etc. de manière libre. Et après assez rapidement j’ai évalué la situation. C’était vraiment une situation de crise à ce premier appel. Il avait arrêté de prendre ses médicaments parce qu’il avait l’impression que c’était du poison. Donc voilà, il y avait ce truc de « je nepeux plus prendre de médicaments, on essaye de m’empoisonner » et… Il avait un plan suicidaire pour dans quatre jours.
C’est lui qui vous a parlé du plan suicidaire ou vous lui avez posé la question ?
Je lui ai posé la question. Je sentais qu’il y avait quelque chose d’urgent. Donc j’ai posé la question. C’était la première fois que je posais la question. Et du coup, ce premier échange était vraiment sous le signe de « Bon, là, il faut que t’en parles avec ta mère. Il faut te mettre en contact avec ton médecin traitant. Et voilà les numéros d’urgence. Est-ce que tu veux qu’on appelle ensemble les numéros d’urgence ? » Il a dit « Ah ! » Donc c’était vraiment très compliqué à ce moment-là.
Finalement, j’ai pris des nouvelles et c’est allé mieux. Après, on s’est rappelé une autre fois, c’était je crois trois mois plus tard. On s’est rappelé à un moment où il était sorti de la crise, mais il y avait encore beaucoup de sentiments de persécution, beaucoup de paranoïa et en fait c’était énormément ciblé sur les médicaments, la prise de médicaments. Je pense que ce qui m’a aidée dans PSSM, c’est vraiment déjà d’insister sur l’écoute et le fait qu’encore plus dans les troubles psychotiques. Il faut être pleinement à l’écoute du contenu de ce que dit la personne, mais aussi sur quelle longueur d’onde est cette personne et qu’est-ce qu’elle espère de nous en fait. Il y a des moments où je répondais à côté, il était en mode « non mais tu comprends rien » , etc. Donc il fallait vraiment être à l’écoute de qu’est-ce que la personne a, de quoi il a besoin en fait. Donc vraiment cette phase d’écoute, elle a été hyper précieuse.
Après, le côté réconfort, nous à la Maison Perchée, on repose énormément sur de la paire aidance, donc de l’entraide entre des personnes qui ont des troubles et surtout qui ont des troubles similaires. Moi je vis avec une bipolarité, lui c’était plutôt une schizophrénie. Donc je ne pouvais pas faire de la paire aidance en disant « t’inquiète, moi aussi j’ai vécu exactement ce que tu vivais » . Mais je pouvais connecter sur l’aspect trouble psy. Je n’étais pas juste une psychologue. C’est hyper important pour moi dans le côté réconforté. Ce qui m’aide, c’est de pouvoir dire à la personne « En vrai, j’ai vécu la même chose. Je comprends ce que tu veux dire. Moi aussi, j’ai vécu des hospitalisations. ça permet d’être sur la même longueur d’ondes. »
Il fallait à la fois que je le réconforte et le rassure tout en acceptant que je sais que je ne peux pas complètement comprendre ce que qu’il vivait. Et voilà, aussi, ne pas être dans un truc bisounours. C’est le juste milieu. Quand la personne, est sur un versant plutôt persécution, quelqu’un qui est très optimiste, en mode, mais t’inquiète pas, tout va bien se passer, c’est extrêmement violent. Donc en fait, ça, c’était pas du tout aidant. Il fallait vraiment avoir un réconfort, mais… Sans être idéaliste, optimiste, il fallait avoir un réconfort vraiment juste et conscient des vraies difficultés.
Est-ce que la reformulation est importante dans ces cas de crise ?
Oui, c’est hyper important de pouvoir reformuler déjà parce que la personne entend ce qu’elle dit, que je ne déforme pas aussi ce qu’il dit. Je montre que vraiment je suis fidèle et que je n’interprète pas du tout. Donc la reformulation dans la partie écoute active, elle est extrêmement précieuse.
Et donc vous avez eu un second appel de cette personne ? Et ensuite ?
Ça a été un long appel. Je pense que si je devais modifier quelque chose à l’avenir, je pense que c’est difficile de garder le cadre temporel pour ne pas que ça dure trop longtemps. Mais à un moment, c’est stérile parce que ça fait des boucles. Donc il faut arriver à arrêter au bon moment et en fait encourager à voir les professionnels. Ce qui est compliqué, c’est qu’il était vraiment dans un rejet des soins. Il est très méfiant des professionnels. Il fallait que ce soit des professionnels hyper intelligents, qui comprenaient. En fait, lui, son objectif, c’était qu’on l’accompagne à arrêter les traitements. Donc il fallait que ce soit des professionnels qui sont OK pour arrêter les traitements. C’était vraiment un conseil où à chaque fois, je me disais, la priorité, c’est de rester en lien avec cette personne et qu’il me fasse confiance. Mais à la fois, moi, je ne peux pas le suivre.
Il fallait vraiment que je l’encourage à aller voir des professionnels. Et ce qui m’a aidée, c’est de le renseigner sur les autres ressources disponibles. Parce qu’il y avait vraiment cet aspect, de manière autonome, je peux te conseiller ce livre, ce podcast. Et là, tu n’as besoin de faire aucune démarche pour aller appeler. Parce qu’il avait très peur d’être déçu par des professionnels. Pour lui, ça allait être encore un investissement, ou il allait être déçu par des gens qui allaient lui faire du mal, etc. Alors que les ressources, il y a vraiment quelque chose de… Si tu veux, va regarder cette vidéo sur des traitements. Donc voilà, il y avait quelque chose de… J’avais l’impression de ne pas le laisser… Avec rien en fait, je l’encourageais à aller voir ses professionnels, à appeler ces gens-là, etc. Donc une démarche plus active. Mais si tu as envie de rester chez toi et juste d’écouter des choses qui vont te faire du bien, je peux te conseiller ça, je peux te conseiller ça, etc.
Et aussi, à un moment dans l’appel, il y a un moment de bascule où tu essayes de trouver où elle est l’énergie vitale en fait. Qu’est-ce qu’il aime cette personne ? Et voilà, on essayait de connecter sur… la musique, les choses qui l’apaisait plus en fait parce que c’était tellement méfiant, tout était tellement méfiant que j’essayais de savoir où il y a un petit peu de vie et d’envie d’aller de l’avant.
Vous avez des nouvelles de lui aujourd’hui, comment va-t-il ?
Franchement c’est la personne qui m’a le plus marquée alors que je ne l’ai jamais vue, je ne sais même pas à quoi il ressemble. En fait il m’avait envoyé parfois des gros gros gros pavés, parfois il me rappelait. Et en fait à un moment son frère est venu et ça m’a beaucoup touchée parce qu’il me donnait des nouvelles de lui. Il a encore des difficultés de venir à la Maison Perchée parce qu’il n’est encore pas du tout dans l’acceptation de son trouble. Mais voilà, en tout cas, il est en combat et on espère qu’un jour il viendra.
Et est-ce que sur la base de cette expérience, avec le recul aujourd’hui que vous avez, il y a quelque chose que vous feriez différemment dans ce cours, dans cet accompagnement ?
Le temps. Arriver à mieux gérer le temps, que ça ne soit pas en boucle. En fait, soit ça dure 45 minutes, soit ça dure 3 heures. Donc il faut arriver à trouver la bonne temporalité pour que ce soit aidant.
Et qu’est-ce que la formation vous a apporté ? Qu’est-ce que PSSM vous a réellement apporté dans cette intervention-là, mais effectivement, et aussi dans toutes les autres que vous avez pu réaliser ?
Oui, de manière générale. Les premiers secours en santé mentale m’ont apporté vraiment quelque chose de très concret, en fait. Un plan d’action extrêmement concret. En fait, ce que j’aime dans AERER©, c’est que c’est extrêmement intuitif. Ça ne fait que confirmer des intuitions. Enfin, de se dire, des scientifiques, des personnes directement concernées, des proches, se sont posés à une table et ont réfléchi à qu’est-ce que ce serait la meilleure chose à faire quand quelqu’un est en souffrance psy et qu’on dit, c’est ça la meilleure chose à faire, c’est confirmer des intuitions. Et du coup, ça donne une légitimité à faire des choses et ça rassure énormément dans le fait de se dire, là, ce que je fais, c’est la meilleure chose à faire. La preuve en est, des experts ont confirmé que c’était la meilleure chose à faire. Et voilà, ça m’a vraiment apporté un plan d’action concret et du coup, une confiance. quand j’aborde les situations que je rencontre.
Vous conseilleriez cette formation, Hana ?
Évidemment que je conseille cette formation, qui est vraiment une base hyper solide pour toutes les personnes qui souhaitent s’intéresser à la santé mentale. Mais je rajoute que tout le monde est censé s’y intéresser, vu que les troubles psychiques, ça concerne une personne sur quatre dans sa vie. Donc si ce n’est pas toi, c’est ton frère. Donc voilà, tout le monde devrait faire cette formation. Si tout le monde avait ce socle de base… En fait, on est des citoyens éveillés sur les questions de santé mentale et on peut s’entraider dans les moments difficiles parce que ça ne concerne pas que les personnes concernées.
Merci beaucoup Hana. Merci de nous avoir reçues à la Maison Perchée.
Entretien avec Nicolas Franck
Bonjour professeur Nicolas Franck.
Bonjour.
Vous êtes chef du Pôle Centre Rive-Gauche au Vinatier, responsable de l’enseignement des futurs psychiatres à l’Université de Lyon. Nous voilà à nouveau au Vinatier, un centre spécialisé en santé mentale et en psychiatrie. Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer le trouble psychotique ?
Alors peut-être qu’il faut parler au pluriel plutôt des troubles psychotiques, parce qu’il y a plusieurs manières d’exprimer ce type de troubles. Ce qui les caractérise c’est la rupture avec la réalité, c’est-à-dire que la personne ne va pas percevoir la réalité comme les autres personnes du groupe social. Qu’est ce que ça veut dire ? Ça veut dire interpréter les événements de manière un petit peu spécifique et pas pas comme les autres personnes du groupe. C’est ce qu’on appelle le délire, quand on construit sa propre réalité. Et ça veut dire aussi avoir un vécu psychotique.
Pour simplifier, la manière la plus courante d’avoir ce qu’on appelle un vécu psychotique, c’est d’avoir des hallucinations. Par exemple, d’entendre des voix qui vous parlent ou qui parlent de vous alors que personne ne parle autour de soi. Ces manifestations psychotiques, sont extrêmement fréquentes. Elles peuvent même être présentes en dehors de tout trouble psychique. Par exemple, ce qu’on sait, c’est que 3% de la population, ça c’est une étude hollandaise, entend des voix à un moment donné, alors que personne ne parle.
Il ne faut pas sauter au diagnostic. Quand c’est très structuré, très présent dans la durée, depuis l’adolescence ou le jeune âge adulte, c’est ce qu’on appelle la schizophrénie. Après, vous pouvez avoir un délire qui est isolé, sans hallucinations, sans désorganisation. C’est ce qu’on appelle le trouble délirant, ce qu’on appelait la paranoïa auparavant, mais vous pouvez aussi avoir des caractéristiques psychotiques associées à n’importe quel trouble psychique. Par exemple, une dépression avec des caractéristiques psychotiques. Ça va être fréquent dans le trouble bipolaire. Idem pour l’épisode maniaque, qui est une autre modalité d’expression du trouble bipolaire, où il peut y avoir des caractéristiques psychotiques, mais vous pouvez aussi avoir une dépression avec des caractéristiques psychotiques hors du trouble bipolaire. Tout ça pour dire que le fait d’avoir un délire ou des hallucinations ne fait pas sauter au diagnostic de schizophrénie. Ça c’est très important.
Le diagnostic de schizophrénie, qui est la forme de trouble psychotique au long cours la plus courante, elle repose sur l’association de ces symptômes positifs, hallucinations et délires, c’est ce qu’on appelle symptômes positifs, avec d’éventuels symptômes négatifs, une éventuelle désorganisation. Donc il y a trois grandes catégories de symptômes dans la schizophrénie, symptômes positifs, symptômes négatifs, désorganisation, c’est ces trois catégories qui permettent de poser le diagnostic. En fait c’est une association de symptômes, et il n’y a pas systématiquement tous les symptômes que je viens de citer là. Et puis associé à ces symptômes qui permettent de poser le diagnostic, il y a ce qu’on appelle les troubles cognitifs, qui ne sont pas spécifiques, qui ne font pas partie des critères diagnostiques, mais qui font partie des critères pronostiques. C’est-à-dire qu’en fait, ils conditionnent la capacité de la personne à faire face au quotidien. Donc c’est très important de les repérer et de les prendre en compte pour permettre à la personne de réussir sa vie, ce qu’on appelle se rétablir.
En fait, ce qui est très important aussi de bien concevoir pour nos auditeurs, pour qu’ils en prennent conscience, c’est que ce n’est pas parce qu’il y a une schizophrénie avec des troubles qui peuvent être potentiellement très durables et éventuellement sévères qu’il n’y a pas de rétablissement. C’est-à-dire que des personnes avec un délire ou des hallucinations peuvent très bien réussir leur vie. Simplement, il faut le concevoir comme des particularités dans le lien avec la réalité qui tranche avec ce que ressent la manière dont fonctionne la plupart des gens, mais qui n’empêche pas finalement de faire avec le réel et d’aller vers un objectif et d’atteindre cet objectif. Ça c’est ce qu’on appelle le rétablissement, qui est défini par les personnes elles-mêmes. Donc c’est important de dire qu’il n’y a pas d’antagonisme entre la schizophrénie ou les autres troubles mentaux sévères et le rétablissement.
Y a-t-il des tranches d’âge plus particulièrement touchées par les troubles psychotiques ?
Alors les symptômes psychotiques peuvent apparaître à tout âge. Si on parle de la schizophrénie, là ça commence à l’adolescence et où chez l’adulte jeune. Donc la plupart des gens rentrent dans la schizophrénie entre l’âge de 15 et l’âge de 25 ans. Mais ça peut arriver plus tard ou exceptionnellement plus tôt.
Pourquoi y a-t-il une telle stigmatisation sur les troubles psychotiques ? De quoi les gens ont-ils peur ?
Alors la stigmatisation, elle n’est pas autour du trouble psychotique, elle est autour de la schizophrénie. Elle est autour éventuellement du trouble bipolaire, elle est moins autour aussi de l’autisme, pas beaucoup mais quand même et elle est autour du trouble borderline, ça c’est même le pire, au-dessus de la schizophrénie. Tous les troubles psychiques peuvent être associés à une stigmatisation simplement parce que les gens ne connaissent pas.
Ce qui fait le plus peur dans tout ce que je viens de citer, et ce qui fait partie de ce que vous décrivez… Sous l’exception de troubles psychotiques, c’est la schizophrénie. Parce que la schizophrénie, pour les gens, c’est lié à l’imprévisibilité, c’est lié à la dangerosité, ce qui est faux. Globalement, il y a plus de danger pour la personne qui a une schizophrénie que pour son entourage. La mauvaise connaissance des troubles psychiques conduit à une mauvaise représentation, qui conduit à un rejet et à des peurs. Tout ça, pour le combattre, il faut informer la population.
Ce podcast, il est essentiel, c’est très important de monter le niveau de connaissance de la population française quant aux troubles psychiques et même plus largement quant à la santé mentale. La seule manière finalement d’intéresser tout le monde, ça va être de parler de santé mentale. Et au passage, on va parler des troubles psychiques et des troubles psychiques sévères qui concernent quelques pourcents de la population.
Combien ?
Pour la schizophrénie, c’est 0,3 à 0,5% de la population. Si on prend tous les troubles psychiques sévères, c’est-à-dire schizophrénie, troubles borderline, troubles bipolaires, on est à quelques pourcents de la population. Ça fait quand même quelques millions de personnes au total.
Comment selon vous les secouristes en santé mentale peuvent aider ?
Ils peuvent aider de deux manières principales. Ils peuvent aider des personnes qui ne sont pas encore dans les soins à y accéder. Et ils peuvent aider des personnes qui n’ont pas conscience qu’elles sont dans une période difficile à solliciter de l’aide. Donc c’est dans l’instant. Les personnes qui sont secouristes, elles ne vont pas favoriser le rétablissement qui est au long cours, parce que parfois il y a de fausses représentations de ce côté-là, mais elles vont aider dans l’instant des personnes à ne pas aller vers une mauvaise décision ou vers une rupture avec ce dont elles ont besoin. Alors ça peut être des soins, mais ça peut être aussi simplement solliciter de l’aide par rapport à son entourage. Par rapport à des services sociaux, par rapport à des dispositifs médico-sociaux, c’est le problème de l’insight.
Parce que les troubles psychotiques sont souvent liés à une absence de prise de conscience de ses propres besoins, qu’on appelle trouble de l’insight. Et le secouriste, lui, qui est formé par rapport à ça, qui voit ce dont a besoin la personne, va pouvoir l’engager à solliciter ce dont elle a effectivement besoin et dont elle n’a pas conscience qu’elle a besoin.
C’est ce qu’on appelle l’intervention précoce ?
L’intervention précoce, c’est permettre des jeunes psychotiques ou des gens qui sont en train d’entrer dans les troubles psychotiques d’accéder à des soins. L’intervention précoce, c’est pour les jeunes entre 12 et 25 ans. C’est comme ça que ça a été fait dans tous les pays. C’est ce qu’on essaye de généraliser en France actuellement. Il y a un dispositif sur les jeunes psychotiques, et les jeunes avec ultra haut risque de psychose ou de troubles mentaux, qui est en train de se développer. Ça, c’est l’intervention précoce.
Mais conduire des personnes qui ont des troubles psychiques sévères ou des troubles psychotiques à accéder à des soins ou dispositifs dont ils ont besoin, c’est à tout âge. Ce n’est pas que l’intervention précoce. Donc les secouristes doivent pouvoir intervenir chez l’enfant, chez le jeune, l’adolescent ou le jeune adulte. chez l’adulte plus mûr mais aussi chez la personne âgée ou l’adulte vieillissant parce que les troubles psychotiques c’est à tout âge.
Qu’est-ce que la réhabilitation psychosociale ?
Ce sont des outils de soins extrêmement importants parce qu’ils sont favorables au rétablissement des personnes. En fait, la réhabilitation psychosociale, c’est une démarche d’exploration, de mise en évidence des capacités des personnes à travers une exploration psychométrique, différents tests qui permettent de mettre des chiffres sur des capacités, aux bénéfices des personnes, pour ensuite pouvoir aller renforcer les capacités en question et permettre aux personnes de faire face finalement aux défis du quotidien. Et faire face aux défis du quotidien, c’est aller vers son propre rétablissement. Donc en fait, vous avez deux notions importantes là. La notion de rétablissement, c’est réussir sa vie selon ses propres critères. Ça, c’est la personne qui définit les conditions de son rétablissement.
Et nous, professionnels de santé mentale, qu’est-ce qu’on peut faire ? On peut mettre à sa disposition des outils de soins ou des outils d’accompagnement qui lui permettent d’aller vers une meilleure prise en compte des éléments du quotidien, un meilleur bien-être. Vous avez les outils classiques de la médecine, donner des médicaments pour lutter contre les symptômes psychotiques, mettre en place des psychothérapies pour faire avec. avec les symptômes psychotiques, c’est en faveur du rétablissement. Mais ça ne suffit pas. Pour se rétablir, il faut aussi pouvoir traiter les informations. C’est-à-dire mémoriser, se concentrer, percevoir les émotions d’autrui, s’organiser en fonction de ses émotions. de ses objectifs de vie en tenant compte du contexte, etc. Se repérer dans le temps et dans l’espace. Donc tout ça, c’est ce qu’on appelle d’éventuelles difficultés cognitives dont on peut réduire l’impact grâce à la remédiation cognitive. Ça, c’est le premier outil thérapeutique de la réhabilitation psychosociale.
Deuxième outil thérapeutique, faire avec ce qu’on est. C’est la psychoéducation ou l’éducation thérapeutique. C’est-à-dire mieux comprendre son propre diagnostic, ses propres symptômes, saisir les enjeux thérapeutiques, se saisir des outils de soins dont on peut avoir besoin, s’accaparer la notion du rétablissement, faire avec ses comorbidités, ses consommations de toxiques, etc. Tout ça, c’est la psychoéducation, l’éducation thérapeutique qui permettent de le faire. C’est le deuxième outil de soins de la réhabilitation psychosociale.
Troisième outil de soin de la réhabilitation psychosociale, tout à fait essentiel également, c’est l’entraînement des compétences sociales. C’est apprendre à entrer en contact avec autrui et à communiquer avec lui de manière adaptée. Pour ça, il faut reconnaître correctement ses émotions faciales, il faut comprendre ses intentions, ses objectifs, etc.
Donc ça, c’est trois des outils, ce sont les trois principaux outils même de la réhabilitation psychosociale qu’il faut largement diffuser en France et dans tous les pays. Je les répète pour les résumer, remédiation cognitive, psychoéducation ou éducation thérapeutique, ça se recouvre à peu près, entraînement, des compétences sociales.
Merci Nicolas Franck
Merci à vous
Conclusion
Vous l’avez compris dans cet épisode, on a été, on est ou on sera peut-être tous concernés un jour par un proche qui ne va pas bien. Si vous êtes dans cette situation, voici quelques ressources sur lesquelles vous appuyez.
Le carnet du secouriste en santé mentale, mieux comprendre les troubles psychotiques, disponible en téléchargement gratuit sur le site internet de PSSM France.
Le site de l’UNAFAM, une association qui accueille, soutient, forme et se bat pour le droit des personnes vivant avec des troubles psychiques.
Vous pouvez également écouter le podcast dans les yeux d’Olivier. durant lequel Olivier Delacroix va entre autres à la rencontre de Marion, diagnostiqué bipolaire, et Yuri, schizophrène. Deux récits bouleversants, deux personnes qui ont accepté de se confier sur leur expérience pour mieux comprendre ces maladies invisibles et leur impact dans la vie de tous les jours.
En plus de ces ressources, sachez que venir en aide à quelqu’un atteint de troubles psychotiques, ça s’apprend. Sans pour autant se substituer au professionnel, sans pour autant devenir un soignant. Comment apporter son soutien ? Que faut-il dire ou au contraire ne pas dire ? Quelles sont les ressources ? et les professionnels vers qui orienter. Autant d’éléments qui sont abordés lors de la formation des premiers secours en santé mentale.
Nous avons tous un rôle à jouer en tant que secouristes en santé mentale. Alors vous aussi, rejoignez cette démarche citoyenne et apprenez à aider en vous formant aux premiers secours en santé mentale.
Ce podcast a été rendu possible grâce au Self-Esteem Club d’Erborian, partenaire de PSSM France.